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Le blog de M. Socrate

Confidences îliennes

 

Je suis née du mariage des eaux et de la terre, dont j’ai hérité des traits.

Je ne peux guère parler d’une venue au monde, mais plutôt d’une venue « aux mondes », tellement je ne savais pas où tourner mon regard lorsque je vis le jour.

A peine sortie des eaux, celles-ci me berçaient, me couvraient puis me découvraient. Terre et eaux, mes chers parents, s’évertuaient à me nourrir. Peu à peu, je grandis.

De quelques touffes d’herbes, je me coiffai, ensuite, d’une chevelure buissonneuse puis, enfin, arborescente. On me donna alors un nom.

Dès mon adolescence, je fus entourée. Très vite, je rentrai dans le monde du travail, cultivant mes potentialités.

J’observais certaines de mes voisines quitter le lit maternel, prenant leur indépendance, et se rattachant à l’inconnu. D’autres, moins chanceuses et plus fragiles, sombrèrent prématurément, incapables de supporter les affres du temps.

Ces voisines-là, je les observais. Il n’y en avait qu’une que je regardais. Elle est mon aînée, mais de si peu. Nous avons presque grandi ensemble. Nous avons toujours été très proches. Cette proximité n’a pas échappé à certains qui ont voulu accélérer les choses.

L’inévitable se fit. Elle et moi nous réunîmes jusqu’à ne former qu’une.

Oh bien sûr, nous étions jeunes et préférions garder, chacune, notre indépendance. Chacune son village et son vignoble ! Mais ensemble, nous connûmes les mêmes joies et les mêmes peines. La réussite viticole, la Guerre, les hivers terribles et les disettes qu’ils engendraient –j’en suis sortie avec un joli surnom tiens !-, les inondations, les échecs du peuplier…

Mais notre plus grande fierté, ce sont nos enfants. Nous avons fait notre vie ensemble. « Les îlouts », qu’on les appelait. Ils ne tenaient jamais en place, toujours à prendre la mer, pour voir comment c’était chez la voisine ! Mais, ils étaient toujours là pour nous surprotéger. Ils nous doivent beaucoup, autant que nous, nous leur en devons. Puis, la vie nous les a arrachés… Ils sont partis, vivant avec leur temps. Oh, je ne leur en veux pas, il le fallait. Plus rien ne les retenait.

Nous aussi, nous nous sommes adaptées à ces nouvelles années et ses promesses. Nous nous sommes essayées au maïs. Mais je crois que le départ de nos enfants nous avait mis un sacré coup… Ma moitié ne s’en est jamais remise, et est tombée en désuétude. Quant à moi, j’ai tenté de garder la tête haute, même si je ne me reconnaissais plus…

Le maïs n’a pas duré bien longtemps. Nous nous sommes retrouvées seule. Nous n’étions plus que l’ombre de nous-mêmes.

Puis, une main s’est tendue vers nous. Nous l’avons saisie. Après une vie de dur labeur, nous avions compris qu’il nous fallait, à présent, trouver la paix, le repos. Dès notre adolescence, nous avons été entourées. Il était temps pour nous, de nous défaire, intelligemment, de cet étau bienveillant, pour prendre le large et écrire notre propre histoire. Une histoire nous ressemblant. Un retour aux sources s’imposait donc.

Nos enfants, qui ont toujours veillé à garder un œil sur nous, parlent de « fin précipitée ».

Mes enfants, je veux vous rassurer et vous dire que je ne meurs pas, mais qu’une Nouvelle vie commence pour moi…

 

by Thibault Castets

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